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Jusqu’à présent, une zone grise persistait : si l’administration fiscale a toujours eu le droit de vérifier l’origine d’un déficit reportable, même très ancien, tant qu’il figure au bilan, les règles d’imputation restaient floues. L’arrêt Faun Environnement vient de fixer les règles du jeu.
Le Conseil d’État pose un principe de gestion clair : l’imputation des déficits reportables sur les bénéfices ultérieurs doit se faire par ordre chronologique.
Autrement dit, dès qu’une entreprise soumise à l’IS redevient bénéficiaire, elle doit obligatoirement apurer en priorité ses déficits les plus anciens (dans la limite du plafond légal). C’est la méthode comptable dite FIFO (First In, First Out).
Cette solution s’appuie sur l’article 209, alinéa 3 du Code général des impôts, que le Conseil d’État interprète désormais comme imposant une imputation par ordre chronologique.
Cette clarification technique n’est pas neutre : elle constitue un véritable bouclier pour les sociétés soumises à l’IS concernant la prescription.
Le Conseil d’Etat avait jusqu’ici jugé que l’administration était en droit, sans aucune limite, de « discuter la réalité du déficit provenant de la période prescrite » dans le cadre de la reprise des résultats de la période non prescrite. (CE, plén. fisc., 4 nov. 1970, n° 75564, Sté Clinique Bon-Secours).
Désormais, le Conseil d’État définit trois situations distinctes pour le pouvoir de contrôle de l’administration :
Dans cet arrêt, une société avait absorbé sa filiale et déduit des pertes (provisions et mali de confusion) en 2007 et 2008. L’administration fiscale, contestant ces déductions des années plus tard, avait rectifié les résultats des exercices 2013 et 2014, estimant que les déficits reportés sur ces années provenaient indistinctement de tout l’historique.
La société, elle, soutenait que les pertes litigieuses de 2007/2008 avaient déjà été imputés sur les bénéfices de 2010 (année prescrite). La Cour administrative d’appel avait rejeté cet argument, faute de preuve d’une imputation prioritaire.
Le Conseil d’État a censuré ce raisonnement : en imposant la méthode chronologique, il valide la logique de la société. Puisque les déficits les plus anciens doivent être imputés en premier, ceux de 2007/2008 étaient effectivement « sortis » avant les exercices contrôlés.
Pour les dirigeants, cet arrêt est une excellente nouvelle. Il empêche l’administration de remettre en cause éternellement des écritures comptables anciennes, dès lors qu’elles ont été mathématiquement imputées sur des bénéfices déjà prescrits.
Source : Conseil d’État, 9e et 10e ch., 14 novembre 2025, n° 493824, Sté Faun Environnement – Publié au recueil