Site non compatible avec les versions d'Internet Explorer

Shape
Retour aux actualités Comptable

Contrôle fiscal et déficits : le Conseil d’État limite les pouvoirs de l’administration

Dans un arrêt du 14 novembre 2025, le Conseil d’État a tranché une question comptable aux lourdes conséquences fiscales : dans quel ordre une entreprise doit-elle utiliser ses déficits reportables ? Par ricochet, les juges restreignent le droit de reprise de l’administration sur les exercices prescrits. Explications.

Jusqu’à présent, une zone grise persistait : si l’administration fiscale a toujours eu le droit de vérifier l’origine d’un déficit reportable, même très ancien, tant qu’il figure au bilan, les règles d’imputation restaient floues. L’arrêt Faun Environnement vient de fixer les règles du jeu.

 

La fin de l’incertitude : la règle du « Premier Entré, Premier Sorti »

Le Conseil d’État pose un principe de gestion clair : l’imputation des déficits reportables sur les bénéfices ultérieurs doit se faire par ordre chronologique.

Autrement dit, dès qu’une entreprise soumise à l’IS redevient bénéficiaire, elle doit obligatoirement apurer en priorité ses déficits les plus anciens (dans la limite du plafond légal). C’est la méthode comptable dite FIFO (First In, First Out).

Cette solution s’appuie sur l’article 209, alinéa 3 du Code général des impôts, que le Conseil d’État interprète désormais comme imposant une imputation par ordre chronologique.

 

Une protection renforcée en cas de contrôle fiscal

Cette clarification technique n’est pas neutre : elle constitue un véritable bouclier pour les sociétés soumises à l’IS concernant la prescription.

Le Conseil d’Etat avait jusqu’ici jugé que l’administration était en droit, sans aucune limite, de « discuter la réalité du déficit provenant de la période prescrite » dans le cadre de la reprise des résultats de la période non prescrite. (CE, plén. fisc., 4 nov. 1970, n° 75564, Sté Clinique Bon-Secours).

Désormais, le Conseil d’État définit trois situations distinctes pour le pouvoir de contrôle de l’administration :

    • -Déficit entièrement imputé sur des années prescrites : Si, en appliquant la méthode chronologique, un déficit ancien est réputé avoir été entièrement imputé sur les résultats bénéficiaires d’exercices prescrits, l’administration perd son droit de contrôle et de vérification. Elle ne peut plus contester ni l’existence ni le montant de ce déficit initial, même s’il était erroné.
    • -Déficit partiellement imputé : si cet ancien déficit n’a été utilisé qu’en partie sur des années prescrites, l’administration conserve son droit de contrôle, mais uniquement à hauteur du reliquat encore reportable.
    • -Déficit en report ou disponible à la clôture de l’exercice : pour les déficits qui sont toujours reportés sur l’exercice vérifié, ou inscrits au bilan de clôture, la jurisprudence classique s’applique : l’administration peut contrôler l’origine et le montant de ces déficits, même s’ils proviennent d’exercices depuis longtemps prescrits

 

Pour aller plus loin : l’arrêt Faun Environnement

Dans cet arrêt, une société avait absorbé sa filiale et déduit des pertes (provisions et mali de confusion) en 2007 et 2008. L’administration fiscale, contestant ces déductions des années plus tard, avait rectifié les résultats des exercices 2013 et 2014, estimant que les déficits reportés sur ces années provenaient indistinctement de tout l’historique.

La société, elle, soutenait que les pertes litigieuses de 2007/2008 avaient déjà été imputés sur les bénéfices de 2010 (année prescrite). La Cour administrative d’appel avait rejeté cet argument, faute de preuve d’une imputation prioritaire.

Le Conseil d’État a censuré ce raisonnement : en imposant la méthode chronologique, il valide la logique de la société. Puisque les déficits les plus anciens doivent être imputés en premier, ceux de 2007/2008 étaient effectivement « sortis » avant les exercices contrôlés.

Pour les dirigeants, cet arrêt est une excellente nouvelle. Il empêche l’administration de remettre en cause éternellement des écritures comptables anciennes, dès lors qu’elles ont été mathématiquement imputées sur des bénéfices déjà prescrits.

 

Source : Conseil d’État, 9e et 10e ch., 14 novembre 2025, n° 493824, Sté Faun Environnement – Publié au recueil

Des questions ?

Décrivez-nous votre projet à l’aide du formulaire ci-dessous.
Notre équipe vous recontactera sous 24h pour vous faire une proposition d’accompagnement !
Contactez-nous