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L’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié le 14 octobre 2025 sa recommandation DOC-2025-08 relative à l’arrêté des comptes et à la communication financière de fin d’exercice.
Comme chaque année, ce document fournit aux sociétés cotées, à leurs directions financières et à leurs commissaires aux comptes un cadre de référence pour fiabiliser la présentation des états financiers et renforcer la qualité de l’information communiquée au marché.
Cette publication s’inscrit dans la continuité des priorités européennes de l’ESMA (European Securities and Markets Authority) et des travaux de l’Autorité des normes comptables (ANC).
Pour 2025, les enjeux portent à la fois sur la cohérence des informations financières et extra-financières, l’anticipation des nouvelles normes IFRS, et la transparence face aux incertitudes économiques et géopolitiques.
L’objectif affiché par l’AMF est clair : garantir que les états financiers traduisent fidèlement la réalité économique des entreprises, tout en maintenant la confiance des investisseurs.
Les recommandations 2025 insistent particulièrement sur :
-La communication transparente des hypothèses et jugements significatifs,
-La cohérence entre les informations financières et les reportings de durabilité (ESG),
-L’anticipation des nouvelles normes (IFRS 18 notamment),
-Et la fiabilité des publications électroniques au format ESEF.
L’AMF rappelle que l’environnement reste marqué par une forte volatilité : tensions géopolitiques, inflation persistante, hausse des taux, pressions sur les marges et ralentissement de la demande dans certains secteurs.
Ces éléments justifient une vigilance accrue dans les estimations comptables : tests de dépréciation, évaluation des risques de crédit, recouvrement d’impôts différés, valorisation des instruments financiers, etc.
En parallèle, l’intégration progressive des obligations liées à la directive CSRD et aux normes ESRS implique une articulation plus fine entre les informations ESG et les comptes IFRS.
Les entreprises doivent ainsi veiller à éviter toute incohérence entre les messages du rapport de durabilité et les estimations figurant dans les états financiers.
La norme IFRS 18 “Presentation and Disclosure in Financial Statements”, applicable à partir de 2027 (avec comparatifs 2026), constitue une évolution majeure de la structure du compte de résultat.
Elle introduit :
-des sous-totaux normalisés (résultat d’exploitation, d’investissement et de financement),
-un encadrement strict des indicateurs de performance alternatifs (MPM),
-et une présentation plus homogène de la performance entre émetteurs.
L’AMF invite dès 2025 à anticiper les travaux :
-identification des retraitements nécessaires,
-adaptation des systèmes comptables et outils de reporting,
-revue des contrats financiers (covenants),
-communication proactive auprès des investisseurs.
Les amendements 2025 précisent les conditions de décomptabilisation des passifs réglés par virement et le traitement des Power Purchase Agreements (PPA/VPPA).
Les sociétés doivent documenter précisément les impacts de ces opérations sur leur résultat et leur bilan.
Le règlement ANC 2022-06, applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025, modernise la présentation des comptes en normes françaises :
-suppression des transferts de charges,
-redéfinition du résultat exceptionnel,
-actualisation des modèles de bilan et de compte de résultat.
Le règlement ANC 2024-07 affine par ailleurs la distinction entre dettes et capitaux propres, anticipant la convergence avec les normes internationales.
L’AMF consacre une part importante de ses recommandations 2025 à la transparence des hypothèses comptables et à la documentation des jugements retenus dans les évaluations.
Elle rappelle que les entreprises doivent fournir une information claire, chiffrée et justifiée, permettant aux utilisateurs des comptes de comprendre la sensibilité des résultats aux principales hypothèses.
Les sujets les plus sensibles demeurent :
L’AMF insiste sur la robustesse des tests de valeur et la cohérence entre les hypothèses macroéconomiques, budgétaires et sectorielles.
Les sociétés doivent :
-Actualiser leurs plans d’affaires pour refléter les dernières perspectives économiques (inflation, taux, prix de l’énergie, ralentissement sectoriel).
-Vérifier la cohérence des taux d’actualisation (WACC) avec les conditions de marché observées fin 2025.
-Justifier les taux de croissance à long terme retenus, notamment s’ils dépassent la croissance anticipée du marché ou du PIB.
-Fournir une analyse de sensibilité chiffrée pour les principales hypothèses (taux de croissance terminal, taux d’actualisation, marge opérationnelle).
-Mentionner tout indice de perte de valeur (baisse de cours de bourse, recul de performance, hausse des coûts, etc.) ayant déclenché le test.
L’AMF souligne que la présentation doit être sincère et équilibrée, sans “lissage” artificiel des impacts économiques.
En cas de dépréciation significative, les hypothèses clés doivent être explicitement détaillées dans les notes annexes.
Concernant les actifs financiers (créances, placements, prêts), l’AMF demande une attention particulière au risque de crédit et à la mesure des pertes attendues :
-Les sociétés doivent expliquer les méthodologies de calcul des pertes attendues (ECL) : segmentation, pondération par scénario, horizon de probabilité de défaut, etc.
-Les hypothèses macroéconomiques utilisées (croissance, taux, inflation) doivent être actualisées et cohérentes avec celles retenues ailleurs dans les états financiers.
-En cas de dégradation de la qualité de crédit, il convient d’expliquer les facteurs déclencheurs du passage en “stade 2” ou “stade 3” (significant increase in credit risk).
-Les reprises de provisions ou baisses de pertes attendues doivent être justifiées de manière documentée.
S’agissant des provisions IAS 37, l’AMF rappelle que leur comptabilisation repose sur des obligations présentes ; il est donc essentiel de :
-Documenter la nature des risques (litiges, restructurations, garanties, engagements environnementaux, etc.),
-Justifier la probabilité d’une sortie de ressources,
-Et expliquer les hypothèses clés utilisées pour estimer les montants (taux d’actualisation, horizon de réalisation).
L’AMF encourage à éviter les regroupements excessifs de provisions dans une ligne unique du bilan ou du tableau des flux, au profit d’une information analytique.
L’AMF observe encore des pratiques hétérogènes dans la présentation du chiffre d’affaires et le découpage des obligations de performance.
Les recommandations 2025 insistent sur :
-Une description claire des modalités de reconnaissance : à un instant donné ou sur la durée, selon la nature des produits et services.
-La justification des critères de transfert du contrôle : indicateurs, jalons, livrables.
-La présentation des principaux jugements comptables utilisés pour identifier les obligations de performance distinctes.
-La transparence sur les revenus variables (rabais, ristournes, clauses de performance, pénalités).
-L’explication du moment et du mode de comptabilisation des contrats à long terme, y compris les ajustements liés à la révision des estimations.
L’AMF recommande également de veiller à la cohérence entre la communication financière externe et les états IFRS 15, notamment en cas de changement de modèle économique ou de prix.
L’environnement fiscal évolutif et les niveaux élevés d’incertitude imposent une attention renforcée sur les actifs d’impôts différés :
-Les sociétés doivent expliquer les hypothèses de recouvrabilité : horizon de rentabilité, projections de résultats, contraintes légales.
-L’AMF invite à justifier la reconnaissance ou non-reconnaissance des actifs d’impôts différés, en particulier lorsque des pertes fiscales reportables subsistent.
-Les changements de taux d’imposition ou de régime fiscal doivent être intégrés immédiatement dans les évaluations.
-Les entreprises doivent préciser les jugements exercés pour déterminer le niveau de reconnaissance et l’éventuelle limitation à un montant recouvrable.
Enfin, l’AMF souligne l’importance de la cohérence entre les projections fiscales utilisées dans les tests de valeur et celles utilisées pour les impôts différés.
💬 En résumé, ces quatre domaines (IAS 36, IFRS 9/IAS 37, IFRS 15, IAS 12) concentrent l’essentiel des points d’attention 2025 : l’AMF attend des entreprises une information plus documentée, cohérente et compréhensible, traduisant les incertitudes économiques et climatiques actuelles.
L’AMF demande une meilleure articulation entre les segments opérationnels internes et la communication externe.
Les entreprises doivent justifier la pertinence de leur découpage sectoriel, indiquer les principaux indicateurs utilisés et décrire les dépendances clients significatives.
Les effets du climat sur les actifs, passifs et hypothèses (dépréciations, durée d’amortissement, valorisations) doivent être pris en compte dans les comptes IFRS.
L’AMF souligne l’importance d’une information “connectée” entre les états financiers et les rapports de durabilité, conformément aux attentes de l’IASB et de l’EFRAG.
Les entreprises doivent assurer la qualité du balisage XBRL (taxonomie correcte, balisage complet, extensions justifiées) et la publication de la version ESEF comme référence légale.
L’AMF recommande un contrôle interne renforcé sur cette étape, souvent confiée à des prestataires externes.
Sur la période de revue couvrant octobre 2024 à septembre 2025 :
-53 sociétés ont été examinées,
-79 % ont fait l’objet d’une revue complète,
-le nombre moyen de constats par émetteur reste stable (environ 5).
Les observations les plus fréquentes concernent :
-la présentation des états financiers,
-les tests de dépréciation,
-la qualité de l’information sectorielle,
-et la cohérence entre les annexes et les autres documents publiés.
L’AMF encourage les sociétés à produire une information utile, lisible et proportionnée, et à éviter les annexes surchargées de données non significatives.
L’arrêté des comptes 2025 s’annonce comme une étape charnière, marquée à la fois par :
-la mise en œuvre des règlements ANC modernisés,
-la préparation à IFRS 18,
-et la montée en puissance des exigences ESG.
L’AMF rappelle que la qualité de l’information financière repose autant sur la rigueur technique que sur la clarté de la communication envers le marché.
📄 Texte intégral de la recommandation AMF DOC-2025-08
👉 Recommandation AMF DOC-2025-08 (PDF)
🔍 Références complémentaires :
*ESMA – European Common Enforcement Priorities 2025
*Règlements ANC n°2022-06 et n°2024-07
*IASB – IFRS 18 Presentation and Disclosure in Financial Statements
*Recommandation AMF DOC-2024-08 (édition précédente)